HISTORIQUE
DU
82ième REGIMENT D’INFANTERIE
Le 1er août 1914, les armées allemandes avaient déjà violé notre frontière, lorsque vers 16 heures, l’ordre de mobilisation générale fut publiée dans toute la France. Dès ce moment, tous les hommes valides consultant le fascicule épinglé dans leur livret militaire se mettaient en mesure de remplir leur devoir envers la Patrie.
Quittant leurs occupations journalières, guidés par le sentiment de l’honneur et du devoir, réservistes et territoriaux se séparaient de tout ce qui leur était cher pour rejoindre, au moment voulu, le dépôt de leur régiment.
Dans les premiers jours d’août, le 82ième (colonel Ponsignon) compléta ainsi ses effectifs et, après les opérations nombreuses de la mobilisation quitta ses deux garnisons (Montargis et Troyes) par voie ferrée, ce départ eut lieu aux acclamations de la foule au milieu d’un enthousiasme indescriptible. Les transports de concentration s’effectuèrent avec un calme, un ordre, une précision admirables, et, dans les journées des 5 et 6 août, le régiment débarquait sur les bords de la Meuse à Lérouville.
Le 82ième régiment d’infanterie fait partie de la 17ième brigade, 9ième division, 5ième corps d’armée, lequel entre dans la composition de la 3ième Armée qui va être chargée de l’offensive contre les armées allemandes en marche sur la Belgique.
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Offensives vers Longwy
et Retraite sur la région au nord de Bar-le-Duc
Le 21 août au matin, le régiment, qui cantonne à Gremilly, reçoit l’ordre de se mettre en marche par Longuyon sur la région de Tellancourt. Il passe la nuit du 21 au 22 août en cantonnement d’alerte à Fresnoy-la-Montagne, d’où il voit l’incendie embraser la forteresse de Longwy et principalement Longwy-Haut.
Le 22 août, tout le corps d’armée, franchissant la frontière attaque l’ennemi à 5 heures.
La 9ième division attaque dans la direction générale Musson-Musancy. Le régiment, primitivement en réserve, est engagé vers 8 heures du matin.
L’attaque se déclenche dans le brouillard, sans préparation possible d’artillerie, et se heurte à des lignes de tranchées très fortement organisées devant lesquelles nous éprouvons des pertes sévères, en particulier devant le village de Saint-Rémy (Luxembourg). Malgré l’allant incomparable et la vaillance de nos troupes, dans ce baptême de feu, tout le corps d’armée est contraint de se replier vers le Sud. Dans ce mouvement ordonné et qui se fait par échelons sur chacun desquels on résiste, le régiment est appelé le 23 août , à défendre les rives nord et sud de l’Othain, dans la région de Flabeuville ; le choc ennemi est toujours violent, nous le contenons toute la journée . Le 24 août, le régiment marque un temps d’arrêt dans la région de Marville ; le 25, dans la région de Damvillers et Peuvillers . Le 26, sur ordre, le régiment passe la Meuse à Vilosnes, dont notre génie fait sauter les ponts aussitôt après le passage. Le régiment s’établit défensivement échelonné, entre Doulcon et Cunel. Du 29 août au 1er septembre se déroulent une série de combats défensifs très durs, très meurtriers, surtout par l’arrosage presque continu de nos troupes par les 210 ennemis, auxquels nous n’avons à opposer que notre 75 de campagne.
L’ennemi réussit néanmoins à passer la Meuse, mais nous avons la satisfaction de l’avoir retardé pendant un certain temps et de lui avoir causé des pertes. A plusieurs reprises nos batteries de 75, bien qu’elles soient sous le feu des 210 ennemis, réussirent à détruire les ponts de fortune que les Allemands venaient de jeter sur la Meuse.
Le généralissime Joffre (aujourd’hui maréchal) vient de décider une retraite stratégique de toute ses forces, afin de regrouper ses armées, de reprendre sa liberté de manœuvre jusqu’au moment décisif où il jugera opportun de reprendre l’offensive, ce sera la victoire de la Marne.
Le 82° Régiment d'Infanterie du 21 25 août 1914
Le 82° Régiment d'Infanterie du 25 août au 4 septembre 1914
Dans cette retraite vers le Sud, le régiment traverse l’Argonne et va s’établir défensivement sur une ligne au nord de Pretz-Vaubecourt. Toute l’après-midi du 5, le régiment creuse des tranchées et organise sa position. A la tombée de la nuit, le contact de l’ennemi semble retrouvé, car on signale ses tentatives pour déboucher d’Evres. Une attaque peu importante sur les éléments avancés du 1er bataillon, vers 22 heures, est repoussée.
Le 6 au matin, l’ennemi, renforcé par l’arrivée de troupes fraîches qui ont été amenées en camions et qui ont débarqué toute la nuit à Evres et environs, commence une préparation d’artillerie laissant prévoir une ruée nouvelle. Le colonel Ponsignon et les chefs de bataillon sont touchés, vers 6 heures du matin, par un ordre émanant du commandant en chef disant en substance que la 3ième Armée doit tenir coûte que coûte jusqu’à midi sur ses positions actuelles, que le salut de la France est en jeu. En effet, c’est pendant cette journée du 6 septembre que le maréchal Joffre va asséner sur l’Armée allemande le coup de massue qu’il prépare depuis le moment où il s’est décidé au repli stratégique et dont il attendait l’occasion (bataille de la Marne). Les chefs de bataillon communiquent immédiatement cet ordre à leurs officiers et à leurs hommes qui sont résolus à se faire tuer sur place plutôt que de reculer. Aussi, les pertes vont devenir extrêmement lourdes, car l’ennemi attaque furieusement et sans répit pendant toute la journée. Bien qu’excessivement réduit, le régiment ne se repliera que sur ordre vers 15 heures. Le soir du 6 septembre, le régiment ou plutôt ce qu’il en reste, se regroupe dans le ravin au nord du village de Rembercourt-aux-Pots, où le colonel Ponsignon procède à l’appel des officers et chefs de section. Dans presque toutes les compagnies, il ne reste plus qu’un officier ou un sous-officier. Le régiment a perdu environ 1.600 hommes dans cette journée et les deux tiers de ses officiers.
Le régiment s’installe défensivement dans le bois Deffuy (nord-est de Rembercourt) à la ferme des Merchines et plus à l’ouest.
Le 82° Régiment d'Infanterie du 5 au 13 septembre 1914
Le 7 au soir, à la tombée de la nuit, les Allemands prononcent sur le bois Deffuy en direction de Rembercourt-aux-Pots, une attaque. Le général Marquet, commandant la 17ième brigade donne l’ordre directement au 1er bataillon du 82ième en réserve près de Rembercourt, de contre-attaquer l’ennemi. Cette contre-attaque, menée vigoureusement à la baïonnette, rejette l’ennemi et rétablit la situation un instant compromise. A signaler la belle conduite du lieutenant Huard (devenu ensuite capitaine) qui, blessé en chargeant à la tête de ses hommes et criant : « En avant ! » refuse de se laisser emporter par ceux-ci pour ne pas ralentir l’impulsion donnée, il est capturé par l’ennemi et sera délivré cinq jours après par le régiment, ainsi que d’autres blessés dans l’église de Thiaucourt.
Les 8 et 9 septembre, la situation est relativement calme et reste sans changement. Dans la nuit du 9 au 10 vers minuit, les Allemands déclenchent une attaque très importante sur nos fronts nord et ouest. Cette attaque allemande est menée par deux divisions fraîches de la landwher n’ayant pas encore vu le feu, elles attaquent au son de la charge jouée et battue par de nombreux fifres et tambours plats. Le 3ième bataillon, à la ferme des Merchines, se trouve un moment en mauvaise position. Le 1er bataillon, en réserve près de Rembercourt, est lancé contre l’ennemi dans la direction de bois au nord-ouest et parvient, par ses feux nourris et bien ajustés, à contenir l’ennemi toute la nuit. A ce moment, par ordre de la division, le régiment passe en réserve dans la région, au nord de Bar-le-Duc, comprise entre Condé et Marats-la-Grande, le front, rétabli à Rembercourt, est tenu par d’autres troupes.
Le commandant Bérard (2ième bataillon) prend le commandement du régiment, le colonel Ponsignon venant d’être blessé grièvement.
La Marche en avant après la Bataille de la Marne
L’effet de notre victoire de la Marne se fait bientôt sentir sur tout le front ennemi, et, le 12 septembre, les Allemands se retirent rapidement devant la 9ième division. La poursuite va se faire environ sur 60 kilomètres. Le régiment arrive le 14 à Boureilles. Le 15, ayant retrouvé le contact de l’ennemi installé sur les hauteurs de Charpentry-Baulny-Apremont, il occupe une ligne passant par Cheppy et par Montblainville.
Les 16, 17 et 18 septembre, le régiment exécute une série d’attaque sur les villages de Charpentry (2ième et 3ième bataillons) et Baulny (1er bataillon) pendant que Montblainville est pris par des éléments de la 18ième brigade.
A ce moment le 82ième ne compte plus que 5 officiers.
Les compagnies sont commandées soit par des adjudants, soit par des sergents, le régiment ne compte guère plus que 600 à 700 combattants.
Le 22 septembre l’ennemi attaque violemment le front Montblainville-Varennes-en-Argonne.
Les trois bataillons dans l’ordre de la droite à la gauche, 3ième et 2ième bataillons défendent avec opiniâtreté leurs positions ; mais dans la nuit du 22 au 23 ils sont acculés au village de Varennes.
Le 82° Régiment d'Infanterie du 14 au 26 septembre 1914
Le 23 au matin, le régiment se replie en direction de Boureuilles laissant le 1er bataillon au pont et à la sortie sud-ouest de Varennes ; ce bataillon maintient le contact de l’ennemi et couvre le repli du régiment sur de nouvelles positions passant par Boureuilles et Vauquois. Vers le milieu de la journée sa mission terminée, il rejoint près Boureuilles le régiment qui, remplacé par d’autres troupes, passe de ce front au repos à Lochères et Clermont-en-Argonne vers le 26 septembre.
Le 1er et le 2 octobre, le régiment quitte Lochères pour s’engager dans la forêt d’Argonne, se dirigeant vers le Nord, il traverse le Claon, le carrefour de la Croix-de-Pierre et emprunte la Haute-Chevauchée (ligne de partage des eaux entre la vallée de l’Aisne et de l’Aire), où il se heurte à des éléments ennemis à partir de la Pierre-Croisée (sud de la cote 285) qu’il refoule jusqu’au delà du ravin des Meurissons (ouest de la Haute-Chevauchée) sur les pentes sud duquel il s’établit.
Pendant les jours suivants (jusqu’au 15 octobre) la situation respective des deux adversaires semble vouloir se stabiliser. Des fortifications légères de campagne (petits éléments de tranchées) sont creusées, un échelonnement en profondeur dans les différentes unités est pris. Assez loin de notre gauche, de l’autre côté de la route, La Chalade-Le-Four-de-Paris nous avons les échos d’une lutte qui paraît violente, engagée par le 2ième corps d’armée qui, de Sainte-Ménéhould, remonte vers le nord dans la direction de Ville-sur-Tourbe.
Dans la deuxième quinzaine d’octobre, le régiment est échelonné en profondeur sur le front d’un bataillon vers la lisière orientale de la forêt, avec le 3ième bataillon en première ligne aux Merliers (ferme de Rochamps), le 1er bataillon en deuxième ligne au château d’Abancourt, le 2ième bataillon en réserve entre la Croix-de-Pierre et Neuvilly.
Pendant son séjour en ligne, le 3ième bataillon, renforcé par la 3ième compagnie, attaque Boureuilles. Cette attaque, qui est (28 octobre) parfaitement vue de flanc par les Allemands occupant le mamelon de Vauquois, est clouée au sol par le feu ennemi mais a réalisé une légère avance, qui couvre le flanc du 4ième régiment d’infanterie, notre voisin de gauche. Ce régiment réussi à prendre pied dans les carrières de la cote 263.
Le 31 octobre, les 1er et 2ième bataillons remplacent le 3ième bataillon et tiennent ce terrain jusqu’au 7 novembre.
La guerre des tranchées.
De Clermont et d’Aubreville, où le régiment a cantonné, il va remonter en ligne (9ième division relève la 10ième division) dans le secteur de la forêt de Hesse (Avant-Garde, Les Allieux, La Barricade).Il lui échoiera le terrain occupé par nous sous Vauquois, tenu par les Boches (Bois Noir, Mamelon Blanc, Cigalerie).
La période que fera le régiment sur ce terrain, avec une partie en première ligne devant Vauquois et une autre partie en réserve dans la forêt de Hesse, sera particulièrement dure ; d’abord en raison de l’hiver précoce et très rigoureux (il gèle jusqu’à 15° au-dessous de zéro), ensuite, par la précarité des tranchées et des abris inexistants ; enfin, à cause des différentes attaques partielles que le commandement demandera au régiment pour faire montre d’activité et gêner l’installation de l’ennemi sur Vauquois.
Nous verrons l’apparition des premiers pieds gelés, baptisés plus tard pieds de tranchées) qui furent très nombreux. Nous aurons quelques pertes par le feu au cours de l’attaque de Vauquois des 8 et 9 décembre, à laquelle prit part le 1er bataillon seul, puis à celle du 20 décembre.
C’est dans cette situation que le régiment passe les fêtes de Noël et du Jour de l’An, à l’occasion desquelles apparaissent les premiers colis envoyés par les familles ou de généreux donateurs aux poilus du front. C’est à ce moment également que le poilu a la tenue la plus pittoresque de toute la campagne par un mélange de l’ancienne tenue et celle bleu horizon, par le port des chapes en peau de mouton, passe-montagnes, sabots, etc…
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1915
L’ARGONNE
Le 15 janvier, le régiment, après un repos de cinq jours dans la région de Brocourt-Parois-Jebecour, repasse en forêt d’Argonne et tient les lignes de l’Argonne orientale q’occupaient précédemment le 89ième et 46ième régiment d’infanterie.
Ces positions s’étalent sur la croupe 263 et la pente sud du ravin d’Osson, plus à l’ouest.
Le 17 janvier 1915, les Allemands, avec deux bataillons de chasseurs (5ième et 6ième), prononcent une attaque précédée d’une préparation d’artillerie importante pour cette époque sur 263. Par suite de la faible densité de notre occupation, l’ennemi réussit à gagner du terrain sur cette croupe, mais son avance est vite limitée par des contre-attaques immédiates et énergiques des compagnies réservées du régiment.
Le 82ième, tout en maintenant sa vigilance dans les tranchées, se met à terrasser avec ardeur et bientôt, il aura un secteur mieux organisé défensivement et où commenceront à naître des abris qui épargneront des pertes ainsi que des maladies dues aux intempéries.
Elle comprend deux actions : l’une, la moins importante, au ravin d’Osson, sur la gauche du 2ième bataillon et partie du 1er bataillon (8ième et 2ième compagnies). L’infanterie ennemie et arrêtée net par nos feux au moment où elle aborde nos tranchées ; les quelques éléments qui ont pu les atteindre sont capturés par une contre-attaque immédiate et de nombreux cadavres restent accrochés dans nos fils de fer. Les Allemands sortent par des sapes dites (russes », causant quelques effets de surprise sur les défenseurs ; ils réussirent à s’emparer des premières lignes tenues par les 10ième et la 12ième compagnie. Le réduit qui défend 263 est presque entouré, nos unités sont séparées les unes des autres par des infiltrations allemandes ; Le capitaine Julhe, commandant le 3ième bataillon, à la disposition de qui le commandant du régiment a mis quelques sections prélevées sur les deux autres bataillons et avec l’aide des défenseurs primitifs du réduit, rétablit rapidement la situation par des contre-attaques énergiques et bien conduites ; L’ennemi est légèrement refoulé et obligé à se terrer. Ainsi fut conservée cette importante position de 263, bastion avancé de la forêt d’Argonne sur la vallée de l’Aire.
Le régiment tient son secteur cote 263-ravin d’Osson, avec des alternatives de repos dans les villages de la foret d’Argonne, tels que Le Claon, Les Islettes, Le Neufour, souvent même dans des camps baraqués qui se construisent en plein bois à 4 ou 5 kilomètres de la ligne de feu.
Du 28 février au 2 mars, une série d’attaques de démonstration sont demandées au 1er bataillon, qui occupe le réduit de 263 ; ces petites actions accompagnent l’attaque et la prise de Vauquois par la 10ième division. Le 28 février, deux sections de la 1ière compagnie et une demi-section de la 3ième compagnie, après une courte mais efficace préparation d’artillerie de campagne, bondissent de leurs tranchées et s’emparent des premières tranchées ennemies sans pertes, tellement l’affaire a été menée rapidement. Une patrouille (sergent Pommey) pénètre même de 400 mètres dans l’intérieur des lignes par ses chasseurs, troupe d’élite réservée, qui arrivent à la rescousse. Nous subissons des pertes sérieuses et devons abandonner une partie du terrain conquis.
L’opération est renouvelée sur le même théâtre, sans succès, le 1er mars par la 3ième compagnie ; le 2 mars par la 4ième compagnie ; Cependant, le but de ces actions est atteint : nous avons retenu, par notre attitude agressive, les réserves partielles ennemies devant nous, pendant la conquête de la colline de Vauquois.
Les 3, 4, 5 avril, la division tente une attaque locale à cheval sur la Haute-Chevauchée et à 263, n’ayant pour but que d’élargir nos positions dans cette région. Le 2ième bataillon du 82ième seul attaque avec les autres régiments de la division. Ce bataillon éprouve d’assez fortes pertes par des tirs de mitrailleuses et ne réalise qu’une faible avance dans l’axe de la Haute-Chevauchée. Pendant ce temps, les autres bataillons du régiment ont un rôle passif, tenant les positions des Meurissons (1er bataillon) et de Bolante (3ième bataillon).
En 1915 et jusqu'en septembre 1916 le régiment est en Argonne
Dans les premiers jours de juillet 1915, le régiment avait été mis au demi-repos dans les camps baraqués de Monhoven et de Lenhardt (abords de La Croix-de-Pierre). Là il préparait, par des reconnaissances en ligne et des exercices aux environs de ces camps, une attaque à laquelle devaient prendre part également les autres régiments de la division. Mais les Allemands prévirent nos intention en déclenchant le 13 juillet au matin, une attaque importante qui constituera la seule offensive sérieuse que les Allemands aient menée sur le front occidental au cours de l’années 1915.
Dès 3 heures du matin, ce jour-là, l’ennemi entame une violente préparation d’artillerie par obus asphyxiants sur tout notre front d’Argonne, de Boureuilles à Binarville.
Il ne faut pas oublier que depuis la stabilisation du front, nous avons devant nous le 15ième corps d’armée de Metz, commandé par le général von Mudra, et qui fait partie de l’armée du Kronprinz. Ce dernier va rechercher un succès important en Argonne, il veut tâcher d’atteindre la voie ferrée de Sainte-Menehoul à Verdun. Il espère menacer ainsi cette forteresse que les Allemands ne se consolent pas de ne pas avoir fait tomber en 1914. Il faut voir aussi que cette offensive, si elle réussit, rehaussera le prestige du pince héritier de la couronne d’Allemagne.
Le régiment est alerté dans ses cantonnements dès le déclenchement de la préparation. Entre 5 et 6 heures, successivement, les bataillons sont envoyés vers la bataille pour s’opposer aux progrès de l’ennemi, qui avait enfoncé les lignes du 4ième et du 113ième.
Par les abords de la Haute-Chevauchée, les trois bataillons échelonnés et en formations très diluées, arrivent à pied d’œuvre pour le combat, avec relativement peu de pertes, étant donnés les tirs nourris d’artillerie et les gaz stagnants surtout dans la région de la Maison Forestière. Au moment où le régiment intervient dans la lutte, les Allemands atteignent, dans leur progression, la ligne générale fond du ravin de Cheppe – La Pierre Croisée-Fille Morte. Ils n’ont plus aucune force devant eux, croient pouvoir marcher librement en direction de Clermont, mais ils se heurtent aux troupes réservées de la division (82ième, 66ième bataillon de chasseurs à pied) qui, par leurs contre-attaques énergiques à la baïonnette et à la grenade, vont les arrêter, même les faire rétrograder, et rétabliront définitivement la situation de la division un instant très compromise. Sur l’ordre du général commandant la division, les trois bataillons du 82ième vont s’engager côte à côte, dans l’ordre normal de la droite à la gauche, sur le front ravin de Cheppe-Pierre-Croisée, ayant pour objectif la crête reliant la cote 263 à la cote 285. Les trois bataillons s’engagent brillamment, le 3ième bataillon renforcé sur sa gauche par le valeureux 66ième bataillon de chasseurs à pied, qui collabore avec brio à la reprise de la cote 285. A droite, le 1er bataillon arrive à temps pour délivrer les défenseurs du réduit de 263 (1er bataillon du 4ième régiment d’infanterie) qui tiennent toujours et pour se souder à eux sur la crête fixée comme objectif ; elle restera nôtre, malgré les contre-attaques des jours suivants. Au centre, le 2ième bataillon reprend aussi la portion de crête qui lui est dévolue après une lutte âpre et difficile.
A gauche, le 66ième bataillon de chasseurs à pied reprend, non sans éprouver de grosses pertes, la cote 285, sur laquelle il s’établit solidement. Une compagnie du 3ième bataillon vient le renforcer dans la soirée.
Le 14 juillet au matin, le capitaine Saint-Germain, commandant le 3ième bataillon, reçoit l’ordre d’appuyer une attaque vers l’ancien secteur de la Haute-Chevauchée, au nord de 285, mais la disproportion entre notre artillerie et l’artillerie adverse, ainsi que les feux de nombreuses mitrailleuses allemandes font avorter cette tentative. Au centre et à droite, les deux autres bataillons tentent au cours de la journée et des jours suivants, de porter leur front plus en avant, mais sans y réussir. Force est au régiment de se terrer sur tout le front atteint le 13, afin de pouvoir s’accrocher solidement au terrain au cas d’un deuxième acte possible dans l’offensive ennemie.
Le 20 juillet en fin de journée, l’ennemi veut compléter des gains et concentre ses efforts, après une préparation d’une intensité inouïe, sur le réduit de 263 ; il s’en empare. Les défenseurs sont pour la plupart tous tués ou enterrés et le réduit fumant ne présente plus, aux yeux de spectateurs, qu’un terrain bouleversé et méconnaissable.
Par son allant et sa vaillance, le régiment a collaboré à l’enrayage de l’avance boche le 13. Par sa ténacité, il maintient l’ennemi pendant les quatorze jours qui suivent, et quand celui-ci semble avoir renoncé à toute velléité de progression, quand le 82Ième a organisé déjà d’une façon très solide ce terrain repris en barrière efficace, il est relevé par le 313ième régiment d’infanterie.
Le calme s’est rétabli sur le front d’Argonne, le régiment reprend ses séjours à peu près réguliers en ligne et au repos (Lochères-Fleury-sur-Aire) (Meuse). Il lui échoit, à la fin d’août, comme secteur dans la division et qu’elle conservera longtemps, celui de la Fille-Morte, à l’ouest de la Haute-Chevauchée. Chaque bataillon travaille activement à la consolidation de la première position quand il est en ligne ; à l’établissement d’une deuxième position (Courtes-Chausses) comprenant des lignes de tranchées bien agencées, des blockaus bétonnés de mitrailleuses et même quelques pièces de 65 de montagne qui ne doivent se révéler, par un tir à vue et de plein fouet, qu’en cas d’attaque sur la Fille-Morte.
Le régiment tiendra le terrain Fille-Morte-Courtes-Chausses par ses propres moyens, sans autre relève que celle intérieure entre les bataillons, jusqu’aux premiers jours d’avril 1916. La lutte des engins de tranchées s’intensifie. L’emploi par l’ennemi de mines de gros calibre, jusqu’à celui de 340 devient au bout de peu de temps quotidien : la contre-partie est donnée par nous, au moyen de nos 75, 155 et de nos bombes de 58. Les mines, qui avaient fait leur apparition dès l’hiver 14-15, mais ne comportaient au plus à ce moment que quelques centaines de kilos de cheddite et ne donnaient que des effets de peu d’étendue, deviennent beaucoup plus fréquentes ; les charges donnent lieu à de vastes entonnoirs (25, 30, 50 mètres de diamètre) qui causeront la plus grande partie des pertes en ligne.
Le 27 septembre 1915, deux jours après notre grande offensive de Champagne, la division va essuyer le contrecoup d’une diversion que l’ennemi tentera sur notre front.
Ce jour là, la situation du régiment est la suivante :
- 3ième bataillon en premier ligne, à la Fille-Morte ;
- 2ième bataillon en deuxième ligne, aux Courtes-Chausses ;
- 1er bataillon en réserve, au camp baraqué de Monhoven.
Vers 9 heures du matin, les Allemands, après avoir fait sauter 14 mines importantes bouleversant complètement nos première lignes, depuis la cote 285 incluse jusqu’à l’ouest de la Fille-Morte, commencent un bombardement excessivement nourri : torpilles en ligne, 105 et 210 sur les lignes de soutien, les ravins et les arrières, en plus quelques gaz vers nos batteries. Vers 11 heures, après avoir occupé les premières lignes, dont tous les défenseurs (de la 9ième et de la 12ième compagnie) sont tués ou blessés, l’ennemi descend vers la ligne de soutien par les boyaux nombreux de la position. La poussée est particulièrement forte à notre droite, à la suture du 4ième et du 82ième régiment d’infanterie (boyaux 1 et 2).
La 10ième compagnie, par ses feux bien ajustés et ses grenades, empêche les Allemands de pénétrer plus avant. Surpris de cette résistance, l’ennemi hésite un moment, puis se replie dans nos premières lignes en abandonnant des cadavres sur le sol.
La 11ième compagnie garnit la gauche de la tranchée de soutien, où elle arrête également l’ennemi par une contre-attaque (boyau 5) .
Le 1er bataillon, disponible, a été alerté téléphoniquement par le colonel aux baraquements où il est de repos, et il se hâte au secours du 3ième bataillon.
Dans le courant de l’après-midi, après avoir été copieusement arrosé d’obus en route, il atteint la tranchée de soutien avec 1ère et 2ième compagnies à droite, 3ième et 4ième compagnies à gauche. Les 1ère et 2ième compagnies, sous le commandement du capitaine Guihard, contre-attaquent avec succès à la tombée de la nuit nos anciennes premières lignes du centre et de droite, les reprennent et s’y installent.
A gauche, les 3ième et 4ième compagnies, aux ordres directs du chef de bataillon Cader, débouchent magnifiquement avec la plus grande crânerie sur la croupe observatoire dénommée « o9 », mais éprouvent des pertes extrêmement lourdes et ne peuvent reprendre o9 malgré une deuxième tentative ; le lendemain matin 28, elles assurent le raccordement des tranchées reprises à droite et au centre avec la gauche de la tranchée de soutien.
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1916
Dès le mois de janvier 1916, notre haut commandement a des indices que l’ennemi prépare une grosse affaire qu’il déclenchera le plus tôt possible, dès que la saison le lui permettra. Ce sera la grande offensive allemande sur Verdun, qui aura pour double but :
1° Un effet moral sur les populations allemandes par la chute (si elle se produit) de la grande forteresse française ;
2°) Surtout user nos forces, par cela même rapprocher la fin de la guerre et paralyser notre initiative en vue d’opérations ultérieures.
Le régiment tient un secteur très particulier où l’on fait une guerre toute spéciale, la guerre de mines. Il sera laissé encore assez longtemps en Argonne, malgré la nécessité ou se trouve notre commandement d’envoyer tour à tour les divisions à la grande bataille d’usure de Verdun.
Une trêve de deux mois (avril-mai) passée dans l’Argonne orientale (Merliers) dissipera un peu la tension nerveuse que nécessite la tenue d’un secteur tel que la Fille-Morte.
Au début d’avril, le lieutenant-colonel Esnol, commandant le 82ième, est désigné pour un autre commandement et le lieutenant-colonel Leclère, commandant du 66ième bataillon de chasseurs à pied, prend la commandement du régiment.
Le régiment, après ce demi-repos au secteur des Merliers, est remis dans son ancien secteur, reconquiert la crête de la Fille-Morte, perdue avant son arrivée, et y reste jusqu’aux premiers jours de septembre 1916.
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(du 16.11 au 13.12.1916)
Le 12 septembre, la division, relevée, va au grand repos pour un mois dans la région entre Revigny et Bar-le-Duc.
Le régiment occupe les cantonnements de Mussey et Mogneville (Meuse).
A ce moment, l’offensive furieuse des Allemands contre Verdun est en décroissance depuis leurs derniers grands efforts du mois de juillet sur cette ville. Nous avons pu, à notre tour, déclencher une autre offensive franco-anglaise dans la Somme qui a eu le plus brillant début et sa répercussion presque immédiate sur le front de Verdun. Néanmoins, les Allemands sont toujours très près de la ville et notre commandement sent la nécessité de dégager plus largement les abords de celle-ci.
Le régiment sera appelé sur ce champ de bataille célèbre par ses opérations.
Le 15 octobre, il est relevé en chemin de fer et roule dans la direction de Verdun. Le 16, il cantonne dans cette ville.
Le 17, il monte en ligne sur le front de la côte du Poivre-carrières d’Audremont, qu’il tiendra avec un seul bataillon, le 3ième, les deux autres derrière échelonnés en profondeur. Dans ce secteur, très dur par la puissance des deux artilleries en présence, le régiment travaille à l’aménagement offensif de cette partie du front de Verdun en vue de l’attaque du 25 octobre 1916. Il est retiré du front précité dans la nuit du 23 au 24, en pleine préparation, pour aller à Belleray, cédant la place aux troupes d’attaques comme division de deuxième ligne. Cette action, bien préparée, à laquelle s’ajoute l’effet de surprise due au brouillard qui n’apparaît que le 24 au matin alors que tous les réglages sont terminés, réussit et nous donne pour la journée du 24 l’importante position du fort de Douamont et 6.000 prisonniers, sans parler des lourdes pertes infligées à l’ennemi. Dans la nuit du 28 au 29 octobre, le régiment monte en ligne dans la partie front immédiatement à l’ouest du fort de Vaux, encore tenu par les Allemands. Cette relève qui s’opère par une nuit noire, dans une boue capable de produire l’enlisement dans un terrain chaotique horriblement bouleversé d’où toute trace de végétation a disparu, est certainement l’effort physique et moral le plus pénible qui ait été demandé aux hommes du régiment pendant toute la campagne. Il s’ajoute, aux difficultés du terrain, un bombardement sans aucun répit qui intéresse une zone de 6 à 7 kilomètres de profondeur. Vers 2 heures du matin, harassé, diminué par les pertes (130 hommes tombés depuis 20 heures), le régiment arrive sur les positions qu’il doit tenir avec la première ligne à droite touchant à l’étang de Vaux : 1er bataillon à gauche au ravin de la Fausse-Côte ; 3ième bataillon en deuxième ligne au sud de l’étang de Vaux, sa droite au ravin des Trois-Fontaines, surnommé par les combattants qui y sont passés depuis février 1916, le « ravin de la Mort ». Un bombardement de jour et de nuit, ne comprenant presque que du gros calibre, prouve que l’ennemi n’a pas accepté le recul que le groupement du général Mangin vient de lui imposer le 24 octobre. Il sent la menace que nous accentuons sur le fort de Vaux, déjà tourné sur son flanc ouest. Bien que nos pertes soient incessantes et importantes, le régiment tient héroïquement sur ses positions. Le 3 novembre, il reçoit l’ordre d’attaquer ; les 1er et 2ième bataillons s’élancent bravement sur les lignes ennemies et réalisent une avance importante qui contribue largement à la chute du fort de Vaux.
Le 2ième bataillon a conquis de haute lutte le village de Vaux, ou plutôt son emplacement (car il est complètement rasé par le bombardement), qu’il a dépassé largement. Le 1er bataillon a atteint, malgré les feux très meurtriers des mitrailleuses ennemies, la tranchée de Ratisbonne qu’il occupe et retourne, face aux réduits du Muguet, de Lorient et d’Hardaumont.
Le régiment continue malgré le bombardement toujours effroyable, malgré la boue, malgré le froid, malgré les privations, et, bien que ses effectifs soient très diminués, le 3ième bataillon a franchi le ravin du Bazil et est venu en soutien des deux autres bataillons autour de l’abri 3603 (P.C du lieutenant-colonel Leclère, commandant le régiment).
Du 17 octobre au 12 novembre 1916, le 82° RI est à VERDUN
Vers le 12 novembre, le régiment est relevé par le 313ième , il se porte en réserve de division immédiatement au sud de Verdun, partagé entre les casernes Marceau, Bévaux et le village de Belleray. Tout en opérant la reconstitution des unités, les bataillons fournissent des corvées de travailleurs (voie étroite, génie), de ravitaillement (munitions, vivres aux unités en ligne). Dans les derniers jours de novembre, le régiment prend le secteur immédiatement à l’est de Douaumont, sur front d’un bataillon avec le dispositif suivant :
1er bataillon en première ligne ;
2ième bataillon en deuxième ligne (Chambouillat) ;
3ième bataillon en réserve de brigade, échelonné entre Vaux-Chapitre et le fort de Souville.
Les trois bataillons, bien que sous un bombardement moins violent que dans la période précédente, vont renouveler avec activité les travaux d’aménagements en vue d’une nouvelle offensive du groupement Mangin, qui aura lieu le 15 décembre.
Ces travaux constituent en parallèles de départ, construction de dépôts de munitions, emplacements de batteries, voies étroites, boyaux interminables, etc.. ; l’hiver sévit dans toute sa rigueur par le gel et la neige, les hommes sont exténués et cependant, ils apportent la plus grande ardeur à cette tâche.
Le 13 décembre, le régiment est enlevé en camions (à Houdainville) du champ de bataille de Verdun.
Pendant les deux mois qu’il a passés à Verdun, le régiment a perdu 1.300 à 1.400 hommes et beaucoup d’officiers. Si le hasard ne lui a dévolu qu’une tâche ingrate, ne comportant qu’une gloire limitée, il n’en eut que plus de mérite à la remplir avec cœur, avec la plus grande ardeur. Rendons lui hommage et surtout souvenons-nous de nos morts de Verdun, dont le trépas a connu toutes les horreurs d’un champ de bataille unique dans l’histoire du monde.
Le régiment termine le mois de décembre aux environs de Vitry-le-François (Isles-sur-Marne, Cloyes, Norroy, Larzicourt), complète ses effectifs et se repose de l’épreuve dernière.
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1917
L’année 1917 allait voir apparaître pour la première fois le 82ième régiment d’infanterie dans les départements de la Marne et de l’Aisne. Transporté par chemin de fer jusqu’à Epernay, dans les derniers jours de décembre, le régiment par voie de terre, se portait ensuite plus au nord, par Ville-en-Tardenois, sur Hermonville, où il se trouvait cantonné le 1er janvier. Le 82ième occupe, pendant le mois de janvier, un secteur (Le Godat-La-Neuville) sur les bords du canal de la Marne à l’Aisne, secteur d’un calme trompeur où l’ennemi émaillait de temps en temps une trêve voulue par des coups de main dans le but d’avoir des renseignements sur notre de bataille et nos intentions.
Le 24 janvier, le 3ième bataillon, qui tenait le quartier de La Neuville, subissait un très fort coup de main avec une violente préparation d’artillerie et de minenwerfer ayant presque le caractère d’une attaque locale. L’effort de l’ennemi se porta sur deux de nos ouvrages : « Madagascar » et « Maroc » qui furent vaillamment défendus par leurs occupants (la 9ième compagnie pour le premier, la 11ième compagnie pour le deuxième). Ces ouvrages, momentanément perdus, furent repris par des contre-attaques énergiques et immédiates et nous eûmes la satisfaction de causer des pertes à l’ennemi.
Le 30 janvier, le régiment, relevé, était mis au repos dans la région d’Epernay (Hautvillers). Le lieutenant-colonel, les officiers supérieurs et les adjudants-majors reçurent au poste de commandement de la division d’infanterie quelques indications secrètes à ce moment sur l’offensive du printemps que préparait notre haut commandement et à laquelle le 82ième devait participer.
Ces officiers firent, dès le 31 janvier, la reconnaissance préparatoire du futur secteur d’attaque du régiment. Cette attaque fit partie de la grande offensive du 16 avril 1917, au cours de laquelle le 82ième se couvrit de gloire.
Après un repos de quelques jours, le régiment se trouvait, en février, cantonné à Aougny, dans la Marne, en lisière du camp de Ville-en-Tardenois, dans lequel il allait pouvoir par de nombreuses manœuvres exécutées d’après les directives du commandement, s’entraîner et se préparer à l’attaque projetée.
Une répétition dernière, très bien réalisée, fut exécutée en fin de séjour devant une mission d’officiers généraux des armées anglaises et russes.
Après la tâche d’instruction et d’assouplissement de la troupe par la manœuvre, le commandement se servit du régiment pour contribuer à l’aménagement offensif de l’arrière du front, en vue de cette opération. Les trois bataillons successivement, dans l’ordre : 3ième, 2ième et 1er bataillons, furent envoyés dans la région de la rivière de l’Aisne, à l’ouest de Berry-au-Bac. Roucy, Romain, Meurival, Hourges, Pontavert abritèrent nos bataillons qui furent employés, pendant le mois de mars, aux travaux les plus divers (réfection et entretien constant des routes, nécessités par la circulation très intensifiée des véhicules automobiles, aménagement des emplacements de batteries d’artillerie lourde, création de dépôts de munitions importants, pose de voies étroites, etc ;.)
Après quelques jours de repos dans les villages de Tramery, Coemy (Marne), le régiment, vers le 12 avril, remontait cette fois vers notre front des bords de l’Aisne entre Berry-au-Bac et Pontavent, pour attaquer (bataille de l’Aisne, 16 avril).
Le 82° RI dans le secteur de REIMS
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Le 82ième Régiment d’infanterie dans l’Offensive
Du 16 avril 1917
Quelques jours avant l’attaque pour le 1er bataillon, la nuit précédant le jour de l’attaque pour les autres, les bataillons, successivement, vinrent occuper leurs emplacements de départ sur les bords de la « Miette » (affluent de l’Aisne), dans la région de la boucle que fait ce ruisseau à 2 kilomètres au sud du village de Juvincourt. Cinq jours d’une préparation d’artillerie progressive ne démoralisaient pas l’ennemi, que des reconnaissances offensives, envoyées jusque dans la nuit précédant l’attaque, trouvèrent toujours aussi opiniâtre dans la défense de ses tranchées.
A 6 heures, le 16 avril 1917, d’un seul bloc, le régiment tout entier, commandé par le lieutenant-colonel Leclère, s’élance en avant. Le dispositif est le suivant :
Deux bataillons en première ligne, le 1er bataillon à droite, le 3ième bataillon à gauche, le 2ième bataillon en réserve.
Examinons la tâche accomplie par chaque bataillon pendant cette rude et glorieuse journée.
1er bataillon
Dès sa sortie des parallèles, ce bataillon atteint la route 44 de Reims à Laon. La première position ennemie tombe rapidement en son pouvoir, ainsi que le bois von Kluck qui se trouve derrière ; Le bataillon arrive aux tranchées de la deuxième position ennemie (tranchée van Capelle) qu’il franchit malgré le feu des mitrailleuses allemandes encore installées dans ces tranchées mêmes. Vers 8 H 30, il aborde la ligne principale de résistance ennemie immédiatement au sud du Moulin (aval de Juvincourt). La 1ère compagnie (capitaine Josse), à droite, s’empare brillamment de l’ouvrage « Ovale » et le couvre solidement par une patrouille de la section su sous-lieutenant Régnard, à cheval sur la Miette. A gauche, sous le quadrilatère et vers le boyau Tirpitz, les unités engagées (2ième et 3ième compagnies) subissent un feu violent de mitrailleuses rendant plus difficile leur progression. Les vagues d’assaut doivent stopper.
3ième bataillon
A 6 heures, le bataillon s’est élancé de ses parallèles, les hommes marchant avec un entrain admirable, certaines sections vont même trop vite, elles vont donner dans le barrage roulant de notre artillerie. Le commandant du bataillon, doit modérer leur progression. Bien que recevant des balles de mitrailleuses venant du bois des Boches et du bois Entaillé, le bataillon s’empare rapidement de la route 44 et de la première position ennemie, d’une tranchée intermédiaire entre les première et deuxième positions ; les bois Carreau et Entaille, situés à même hauteur, tombent entre ses mains. Lorsque le bataillon se présente devant la deuxième position ennemie (tranchée immédiatement au sud du village de Juvincourt, sa progression est gênée par des mitrailleuses installées à l’ancien moulin. Néanmoins, l’élan continue, soit en terrain découvert, soit par les boyaux ; les sections d’assaut ont atteint la dernière tranchée avant Juvincourt, tout l’ensemble de la deuxième position est entre nos mains.
Le lieutenant Baudin (commandant la 10ième compagnie), avec un groupe d’hommes, pousse une pointe hardie jusqu’à une batterie casematée plus au nord, lui et la plupart des hommes qui l’accompagnaient y trouvent la mort.
Vers 9 heures, des troupes allemandes, débouchant de Juvincourt, contre-attaquent le nouveau front du régiment, leur effort est surtout accusé sur le bataillon de gauche (3ième bataillon).
A plusieurs reprises, les Allemands essaient d’attaquer de front, notre feu continu les oblige à refluer ; mais, au bout de quelque temps, le bataillon n’a plus de cartouches d’infanterie, il ne reste que trois caisses de cartouches de mitrailleuses et plus de grenades. Notre artillerie ne peut nous soutenir, elle est en déplacement (elle passe l’Aisne à ce moment). Le commandant du bataillon s’aperçoit qu’il s’est produit un trou entre sa gauche et le régiment voisin (4ième régiment d’infanterie) par lequel l’ennemi commence à s’infiltrer.
Par suite du manque de munitions, et pour ne pas être pris de flanc, il fait exécuter en ordre, et avec calme, un léger repli de 100 mètres à sa première ligne, qui emprunte sensiblement la tranchée von Hirch-nord. Ce changement de front est exécuté sous la protection d’un peloton de mitrailleuses qui brûle les trois dernières caisses de cartouches. Le bataillon s’organise.
2ième bataillon
Le 2ième bataillon, d’abord en réserve, a pour mission ultérieure de faire un passage de ligne et d’aborder Juvincourt par l’est en même temps qu’un bataillon du 4ième régiment d’infanterie. Ce bataillon subit des pertes dès le départ des parallèles. Bientôt dépourvues des chefs, les diverses unités vont se fondre dans les unités de première ligne, en particulier à droite, où elles concourent à l’attaque et à l’organisation des ouvrages « Quadrilatères » et ouvrage « Ovale ».
Sur le front du régiment, vers midi, les lignes paraissent se stabiliser.
Vers 15 heures, des troupes allemandes en formation de combat (trois bataillons environ) sont vues nettement débouchant entre la Miette (amont de Juvincourt) et le bois de la Casemate, se dirigeant d’abord nord-sud, ensuite contre le flanc gauche du 3ième bataillon, qui n’a plus de ce côté que quelques éléments du 113ième régiment d’infanterie, car un grand trou existe entre le 82ième et le bois des Boches, encore tenu par l’ennemi. C’est dans cette situation dangereuse que la contre-attaque ennemie se dessine. Le lieutenant-colonel Leclère prend spontanément le commandement de toutes les troupes sur le terrain (82ième, partie du 113ième, 66ième bataillon de chasseurs à pied). La contre-attaque ennemie se produit, les munitions sont rares. Une partie de la première ligne fléchit. Il est temps d’agir : le lieutenant-colonel décide de passer à la charge et prend la tête du mouvement.
Impressionnés par la sonnerie des clairons et la masse qui arrive menaçante sur eux, les Boches s’arrêtent, leur contre-attaque a échoué.
Dans cette attaque du 16 avril, les prises du 82ième sont dignes du terrain conquis :26 prisonniers, dont un officier, 6 sous-officiers, 2 pièces de 77 avec 9oo obus, une pièce de 120 français, une pièce de 88, une pièce de 150, 2 mitrailleuses.
Ces opérations ont malheureusement entraîné des pertes sensibles : 10 officiers tués, 9 blessés, 98 hommes tués,393 blessés, 144 disparus.
Mais si nous avons à déplorer la mort des camarades qui sont tombés, nous avons le droit d’être fiers de cette nouvelle page d’histoire du régiment. Il fut cité à l’ordre de la 5ième Armée avec le motif suivant :
« Sous les ordres de son chef, le lieutenant-colonel Leclère , qui n’a cessé de lui donner le plus bel exemple, a brillamment enlevé les positions qu’il avait pour objectif, marchant à l’attaque avec un ordre aussi parfait que sur le terrain de manœuvre ; s’est maintenu sur ses positions malgré les violents bombardements et les tirs meurtriers de mitrailleuses. A tenu ferme sous plusieurs contre-attaques. »
Le drapeau fut décoré par le général Pellé, commandant le 5ième corps d’armée, de la Croix de guerre avec palme, lors d’une prise d’armes à Arcy-le-Ponsart (Marne) le 22 mai 1917.
Pendant les mois de mai, juin et juillet, le régiment tient le secteur devant Juvincourt, par périodes de 20 à 30 jours, coupées par des repos dans les villages de l’arrière-front : Bourges, Unchair, Brouillet, Coulonges, Arcy-le-Ponsart.
Le secteur de Juvincourt est parfois agité : le régiment, à chacun de ses séjours, en perfectionne l’organisation ; l’activité réciproque des deux artilleries se maintient, bien que l’attitude défensive semble avoir été adoptée par les deux adversaires sur ce terrain. Ceci n’empêche pas l’ennemi de manifester son activité de temps en temps par des coup de main. Le régiment en fait avorter beaucoup dans l’œuf. Le plus notable de cette période est celui du 12 juillet 1917.
Vers 3 h.30, après un subit et violent bombardement sur toutes les lignes du bataillon de droite (3ième bataillon) par obus de tous calibres et engins de tranchée, l’ennemi exécute un coup de main avec 70 hommes environ, commandés par un officier ; Celui-ci fut fait prisonnier ainsi que deux de ses hommes ; deux autres soldats allemands furent tués. Des cadavres ennemis resteront dans les fils de fer en avant de notre première ligne.
Au début de novembre, le régiment, après un de ses repos périodiques, prend le secteur devant Corbeny, aux abords de Chevreux. A la suite d’un repli, derrière l’Ailette, des Allemands qui ont abandonné l’arète importante du Chemin-des-Dames, le régiment occupe ses nouvelles positions. Ce repli a eu sa répercussion jusque devant Corbeny et le régiment, pendant un mois, travaille à l’organisation du terrain cédé ; la caractéristique de cette période est l’emploi par l’ennemi de nombreux obus toxiques (bombardement à ypérite).
A signaler l’opération de reconnaissance, dans les lignes ennemies, du 25 novembre 1917, commandée par l’adjudant Dumesnil (6ième compagnie) et comprenant un sergent, un caporal, huit voltigeurs ; cette reconnaissance tua deux soldats ennemis et fit prisonnier un troisième qu’elle ramena dans nos lignes.
A la fin de décembre, le régiment est mis au repos pendant un mois à Arcy-le-Ponsart (Marne). Vers le milieu de janvier 1918, il est employé aux travaux afférents à la consolidation de notre front de l’Aisne : construction d’une deuxième position, garnissant les crêtes qui défendent au sud la vallée de l’Aisne entre Guyencourt et Roucy.
Dans les derniers jours de janvier, le lieutenant-colonel Leclère, commandant le 82ième, est désigné pour commander le 8ième groupe de bataillons de chasseurs alpins. Le lieutenant-colonel Laucagne prend, le 1er février le commandement du régiment à Ventelay (Aisne).
Au début de février la division est portée vers le sud d’abord, puis vers l’ouest : en cinq étapes par voie de terre, elle gagne le département de l’Oise dans la région nord de Clermont-sur-Oise (Gressonsacq, Pronleroy, Laneuville, Roy) où elle constitue une réserve générale placée derrière le point de suture des fronts anglais et français.
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1918
Le 82ième d’infanterie à Noyon
L’année 1918 va marquer le grand et dernier effort de l’Allemagne sur le front occidental. L’Allemagne dispose du maximum de ses effectifs par suite de la défection russe l’année précédente. Elle a pu, pendant l’hiver 1917-1918, ramener du front oriental troupes et matériel, réorganiser ses forces et concevoir le plan de la formidable offensive qu’elle ne peut manquer de déclencher pour, croit-elle, en finir avec nous. Cette offensive, elle la fera aussitôt que la saison le lui permettra, car elle sent que, pour réussir, il faut qu’elle agisse vite, avant que les Américains, qui se sont ralliés à notre cause, celle du Droit et de la Liberté, aient pu donner la plénitude de leur concours.
Et en effet, elle déclenche cette offensive le 21 mars 1918, elle la déclenche au point de suture des fronts anglais et français, avec un double but :
1° Séparer l’Armée française de l’Armée anglaise et rejeter celle-ci vers la mer ;
2° Se ruer sur Paris par la vallée de l’Oise, qui, toujours, a été le chemin préféré des stratèges allemands pour atteindre la capitale.
Le régiment alerté le 22 mars dans ses cantonnements vers une heure du matin, est enlevé en camions vers 15 heures et roule dans la direction de la bataille.
Il traverse Lassigny, Noyon, Guiscard, et débarque dans la zone Quesmy-Maucourt. Le 23 mars à 7 H 30, le régiment se met en marche sur Guivry-Ugny-le-Gay, dans la direction de Jussy, ayant pour mission de relever les troupes britanniques fortement pressées par l’ennemi.
Le 3ième bataillon, avant-garde du régiment, se déploie dans le bois de Genlis, en liaison à l’est avec la 1ière division de cavalerie à pied (4ième et 11ième cuirassiers), à l’ouest, avec le 329ième régiment d’infanterie. Au nord du bois de Genlis, la situation est très obscure, et seuls quelques éléments anglais se replient en combattant.
Le 1er bataillon occupe les lisières d’Ugny-le-Gay, avec l’état-major du régiment.
Le 2ième bataillon tient les « Hézettes » (un kilomètre nord-est de Guivry). A 14 Heures, ils sont mis en réserve de division, le 2ième bataillon aux Hézettes, le 1er bataillon à Guivry.
Le 3ième bataillon signale à 22 heures, des attaques ennemies sur ses compagnies en ligne, qui les repoussent.
Le 24 mars, la situation est la suivante :
Le 3ième bataillon, relevé par le 4ième régiment de cuirassiers, occupe la cote 106 et le village de La Neuville-en-Beine ;
Le 2ième bataillon, les Hézettes ;
Le 1er bataillon, Guivry, avec le lieutenant-colonel Laucagne, commandant le régiment.
Vers 11 heures, l’attaque ennemie se déclenche, refoulant le 4ième cuirassiers qui occupe le bois de Genlis, et les éléments anglais défendant Les Riez-de-Cugny. Les batteries anglaises se replient. Le 3ième bataillon reçoit l’ordre de se porter de La Neuville-en-Beine sur la Butte des Minimes et de se mettre en liaison avec le 2ième bataillon qui tient toujours les Hézettes. Il exécute ce mouvement en ordre, malgré un feu très violent d’artillerie et de batteries de mitrailleuses, violemment pressé par l’ennemi et à un moment presque encerclé.
A 13 heures, les trois bataillons se trouvent en première ligne et engagés contre un ennemi qui attaque furieusement. Après une attaque sur les Hézettes, attaque repoussée par le 2ième bataillon, l’ennemi qui s’est emparé de Caumont, de Commanchon, de Bethancourt, fait de nombreuses tentatives sur la crête de la Tombe-Bernier.
A partir de ce moment, l’ennemi attaque sans répit sur tout le front du régiment. Toutes les unités en ligne défendent leurs positions avec acharnement, malgré le silence des artilleries anglaise et française qui ne peuvent répondre aux demandes de barrage.
A 17 H 45, l’ennemi, appuyé par une artillerie nombreuse, précédé par de violentes rafales de mitrailleuses, parvient à déboucher du col des Hézettes, descendant de la Butte des Minimes, et atteint la lisière de Guivry, ainsi que la crête entre Guivry-Béthincourt.
A 18 heures, le lieutenant-colonel Laucagne donne l’ordre à ses bataillons de se replier en défendant le terrain pied à pied et en direction de Beaugies. Ce mouvement est exécuté en bon ordre malgré le tir continu des mitrailleuses annemies.
A hauteur de Beaugies, les hommes sont ralliés, couvrent le départ de deux batteries d’artillerie et continuent leur repli par échelons sous la protection du 89ième régiment d’infanterie qui vient d’arriver et se déploie en avant de Maucourt.
Le 82° RI à NOYON du 21 mars au 30 mars 1918
Neuf officiers et plus de 300 hommes, tués ou blessés pour la plupart, ne peuvent rejoindre le régiment qui se reforme à Quesmy et va occuper en deuxième position la Croupe des Usages. La position sera occupée jusqu’à une heure avancée de l’après-midi, heure à laquelle sous la violence de la pression exercée par l’ennemi sur tout le front, les éléments en ligne se replieront en direction de Noyon. Le 2ième bataillon attendra l’ennemi jusqu’au contact et presque jusqu’au corps à corps, le contre-attaquant, le fusillant de ses mitrailleuses presque à bout portant, protégeant ainsi à la fois le repli des troupes de ligne et le repli du régiment.
Le régiment traverse Noyon, bombardée et en flammes, pour se porter à Chiri-Ourscamps, où il a reçu l’ordre de cantonner et où il se réorganisera sous d’intenses bombardements.
Pendant les journées des 23, 24, 25 mars l’élan des troupes a été superbe et leur confiance inébranlable.
Bien que soutenues seulement par quelques batteries anglaises, notre artillerie étant encore loin, toutes les unités ont rivalisé d’ardeur, ont fait preuve d’une admirable ténacité en défendant pied à pied contre des troupes d’élite, pourvues de puissants moyens d’action et particulièrement d’une quantité inimaginable de mitrailleuses, un terrain qu’elles n’ont quitté qu’à la dernière minute, seulement après avoir reçu l’ordre de se replier et en infligeant des pertes sévères à l’ennemi.
« Le 82ième a largement contribué à sauver le cœur de la France ».
La belle conduite du régiment, lors de ces tragiques journées de mars, lui valut une deuxième citation à l’ordre de l’Armée (3ième Armée » :
Au cours de la journée du 24 mars 1918, le 82ième régiment d’infanterie, sous la conduite du Lieutenant-colonel Laucagne, étant en réserve et le flanc de la division se trouvant découvert sur une grande étendue, a été jeté en avant pour arrêter les progrès de l’ennemi. A résisté à toutes ses attaques et l’a contenu jusqu’au soir, permettant ainsi au reste de la division de tenir sur ses positions ; Le 25 mars, a continué de combattre pour protéger l’aile droite de la division et a conservé contre plusieurs attaques ennemies la possession d’une hauteur importante. A été ensuite, malgré les pertes et la fatigue, maintenu au combat sans fléchir jusqu’au 30 mars.
Le régiment, titulaire de deux citations à l’ordre de l’Armée, se voit conférer la fourragère aux couleurs de la Croix de guerre.
Le 82ième R.I en Alsace
Au mois d’avril, nous retrouvons le régiment en Alsace.
Débarqué le 10 de ce mois à Héricourt, il séjourne quelques jours dans la banlieue belfortaise (Valdoie, Le Salbert, Sermamagny), puis monte en secteur. La région qu’il occupe alors est jalonnée par les villages de l’Alsace reconquise : Quevenheim, Michelback, Aspach-le-Haut, Roderen. Secteur calme s’il en fut, qui a été dévolu au régiment pour se remettre du grand effort des combats sous Noyon, en attendant les prochaines occasions où le commandement fera appel encore à sa vaillance.
Vers la fin d’avril, le 44ième bataillon de tirailleurs sénégalais, venant de la Cote d’Azur où il a hiverné, est adjoint au 82ième régiment d’infanterie et contribue bientôt à tenir le secteur avec les trois bataillons du régiment. Quelques coups de main sont exécutés de temps en temps par nous, mais donnent peu de résultats.
Vers le milieu de mai, un régiment américain, le 125ième régiment d’infanterie de la 32ième division américaine, arrive derrière le 82ième. Il doit compléter son instruction et recevoir le baptême du feu. Pendant son séjour à l’arrière, des « informateurs » officiers français prélevés sur le 82ième, sont détachés au régiment américain. Ensuite, très progressivement, ce régiment tient une partie du secteur. Dès fin mai, le régiment américain tient nos lignes, face aux Boches, de conserve avec les éléments du 2ième bataillon et la majorité de ses cadres.
Le 125ième régiment d’infanterie américaine offre au 82ième, à titre de souvenir, un drapeau aux couleurs françaises qu’une patriote américaine, Mme Seymour, a eu la gracieuseté de confectionner à cette intention.
A l’occasion de la remise de ce drapeau, une revue est passée par le général Gamelin, commandant la 9ième division d’infanterie, et le général Hann, commandant la 32ième division d’infanterie américaine, le 16 juin à Sentheim. Le général prononce une allocution en fin de revue et les troupes défilent ensuite ; chacun admira la belle tenue et l’allure martiale des troupes des Etats-Unis.
En juin également à Santheim, le général Pershing, commandant les forces expéditionnaires américaines sur le front occidental, vint passer en revue le bataillon du 125ième régiment d’infanterie américaine qui cantonnait dans cette localité. Le général Pershing invita le lieutenant-colonel Laucagne à l’accompagner et chacun fut fier de l’honneur fait au régiment français en la personne de son chef qui, aux côtés du général Pershing, passa cette revue d’un bataillon d’élite de l’Armée américaine.
Puis le régiment, complètement relevé par le 125ième régiment d’infanterie américaine, se trouve prêt à être appelé à de nouveaux et glorieux combats. Bientôt, la division marchera vers la bataille.
Le 82ième R.I de la Marne à la Meuse
Le régiment transporté d’Alsace dans la Somme, après y avoir fait un court séjour (une huitaine de jours) en réserve d’armée dans la région à l’ouest de Conty, est enlevé en chemin de fer les 12 et 13 juillet 1918 pour être amené sur le front de la Champagne, où va se produire une nouvelle ruée allemande, que tout fait présager plus formidable encore que les précédentes. Il débarque dans la nuit du 13 juillet dans la région de Châlons (Vitry-la-Ville), il est incorporé à l’Armée Gouraud et se porte en deuxième ligne dans la région sud du camp de Châlons (Dampierre-au-Temple). Il est toujours renforcé, depuis l’Alsace, par le 44ième bataillon de tirailleurs sénégalais.
L’offensive prévue se déclenche vers minuit, dans la nuit du 14 au 15 juillet. Elle débute par un bombardement d’une intensité inouïe. Les Allemands se proposent par cette offensive, d’abord de faire tomber Reims déjà aux trois quarts encerclée, puis de s’emparer d’Epernay et de Châlons, de tenir toute la vallée de la Marne et, par ce fait, de rompre le front occidental.
Mais l’effet de surprise est manqué, et, grâce aux dispositions préventives prises par le général Gouraud, l’attaque allemande se brise net sur toute l’étendue du front de son armée à l’est de Reims. Elle ne réussira pas à progresser ni le 15 ni les jours suivants. Il n’en va pas de même à l’ouest de Reims. La base de départ des Allemands, résultant de leur dernière grande offensive du 27 mai qui leur a permis d’atteindre la Marne, leur est très favorable. Ici la lutte va être plus dure jusqu’au moment où les Français feront pencher la balance en leur faveur ; aussi notre division, rendue disponible, est transportée rapidement dans la nuit du 16 au 17 juillet sur le front de la 5ième Armée (général Berthelot). Le régiment débarque dans la région d’Epernay (Heutville). La division va prendre part à la grande offensive du maréchal Foch, qui reprit d’abord progressivement aux Allemands tous les gains de leur offensive de l’année 1918 et permit ensuite de déclencher la dernière grande offensive de la guerre, qui conduira la France à la victoire.
Le premier acte de la contre-offensive consistera à réduire la poche formée par les Allemands entre Reims et Soissons, qui débordait au sud de la Marne. Ce saillant fut attaqué sur tout son pourtour. La division, et par suite le régiment, participe sur la face est à la bataille difficile et meurtrière qui arrêta, puis contraignit à la retraite, les forces ennemies engagées en direction d’Epernay.
Le 18 juillet, le régiment, débouchant de Fleury-la-Rivière, attaque le bois du Roi, avec deux bataillons en première ligne, 2ième bataillon à droite, 1er bataillon à gauche ; le 44ième bataillon de tirailleurs sénégalais est en réserve.
Ces deux bataillons trouvent un terrain hérissé de difficultés : bois touffus, taillis impénétrables, donc marche lente et difficile ; vue bornée et, par suite, liaisons précaires ; enfin, ils tombent sur des organisations déjà existantes, très judicieusement utilisées par l’ennemi. Malgré que l’ordre fût parfait dans le régiment et que tous se soient portés à l’assaut avec joie, avec un ardent désir de prendre le Boche au collet, au bout de quelques centaines de mères les bataillons de tête tombent sur des réseaux intacts dissimulés dans les taillis et derrière lesquels de nombreuses mitrailleuses, soit par nids, soit isolées, ouvrent un feu d’enfer. Les têtes de colonne énergiquement conduites, s’approchent néanmoins des réseaux pour les cisailler, mais les pertes deviennent très lourdes, il n’est pas possible de franchir cette barrière, on se terre en continuant à combattre par le feu et l’on s’organise. L’ennemi réagira très violemment par son artillerie (obus de gros calibres et toxiques) pendant tout le séjour du régiment dans ces bois. Le 20 juillet, une attaque générale, menée par la division et les divisions voisines, est déclenchée. Elle est menée en première ligne par le 44ième bataillon de tirailleurs sénégalais à droite et le 2ième bataillon à gauche. Ces bataillons ont pour objectif la ferme et la grange de Grandpré. La Fortelle, les bois de la Haute-Charmoise. Le 3ième bataillon se tient prêt à suivre le 44ième bataillon de tirailleurs sénégalais. A 8 heures, les deux bataillons de ligne partent à l’attaque ; mais, en arrivant à la crête qui se trouve à hauteur de la grange de Grandpré, les vagues d’assaut sont accueillies par un feu intense de mitrailleuses de front et de flanc. Elles continuent néanmoins leur marche vers l’objectif, tandis que les feux de mitrailleuses redoublent de violence, mais les pertes sont très lourdes et le 44ième bataillon de tirailleurs sénégalais perd environ 500 hommes en peu de temps. Force est à tous de se terrer. Le 3ième bataillon envoie une compagnie de renfort au 44ième bataillon de tirailleurs sénégalais, afin que le chef de ce bataillon puisse tenir le terrain qu’il a conquis. De nouvelles tentatives de progression, faites le jour même et le lendemain, ne donnent que des résultats peu étendus. Des reconnaissances poussées sur le front du régiment, les 23 et 24, confirment que l’ennemi maintient toujours solidement ses positions et même qu’il les a renforcées. D’ailleurs, sur le front de la division, par les prisonniers capturés, on a la preuve que l’ennemi, dans ces cinq ou six jours, a été amené à engager la valeur de six divisions.
Le 25 juillet, un ordre général prescrit à la 9ième division d’infanterie une nouvelle attaque sur tout son front ; celle-ci a lieu à 3 heures 50, elle est menée par l’ensemble du régiment appuyé par des chars d’assaut (petit modèle Renault). Sur tout le front de la division, la résistance ennemie et les pertes obligent à peu près toutes les unités à céder le terrain conquis au débouché de l’attaque. Seul, le 2ième bataillon réussit à franchir la clairière en face de lui et à s’emparer des lisières sud du bois de la Haute-Charmoise.
Le 1er bataillon est réduit à 107 hommes, gradés compris, et 5 pièces de mitrailleuses ; les pertes ont été sévères.
Mais ces pertes et cette vaillance dépensées depuis le 18 juillet n’auront pas été vaines ; sous les coups répétés que nous lui avons portés, le mur ennemi chancelle et va bientôt s’écrouler. Notre situation défensive difficile va se transformer en une offensive favorable. Le 27 juillet, dans la matinée, l’ennemi se remplie par échelons, refusant ce combat d’usure qu’il n’a pas les :moyens de mener plus longtemps. Les bataillons en ce moment en première ligne (3ième bataillon à droite, 2ième bataillon à gauche (en deuxième ligne, 1er bataillon) se lancent à la poursuite de l’ennemi. Le 3ième bataillon s’empare d’Orcourt et de Cucheny et il délivre dans cette dernière localité sept prisonniers français blessés et y trouve un Allemand blessé. Le 2ième bataillon prend possession des bois de la Haute-Charmoise en leur entier et débouche entre Orcourt et Baslieux qu’il occupe. La progression continue pour le 3ième bataillon à travers les bois de la Cohette, de Bouval, dont la lisière nord est tenue, le 27 au soir, face à Ville-en-Tardenois (Marne). Les éléments avancés du 2ième bataillon atteignent au même moment le village de Jonchery. Le lendemain 28, la division , ayant réalisé une avance de plus de 10 kilomètres en profondeur, est dépassée par ses voisines qui se rejoignent dans la région Ville-en-Tardenois-Romigny (Marne) et passe sur place en réserve.
Le régiment se reconstitue et prend le repos qui lui est nécessaire dans les villages du bord de la Marne (Damery), puis région de Port-à-Binson. Au bout de quelques jours, il s’emploie aux travaux de moissons et de réfection des habitations dans ces régions récemment libérées et très éprouvées par la bataille acharnée qui vient de s’y livrer, et qu’on pourra appeler la deuxième victoire de la Marne, celle de 1918.
Le 25 août 1918, les 1er et 2ième bataillons, ainsi que la compagnie hors rang, étaient rassemblés aux abords de Festigny (Marne) pour la remise des citations à l’ordre du régiment accordées pour la période 17-30 juillet. Le lieutenant-colonel Laucagne après avoir passé la revue, procédait à la remise des insignes. Soudain, sans que nul n’en fut prévenu, une automobile s’arrête sur la route : M. Clémenceau, président du Conseil et ministre de la Guerre, en descend. Il est accompagné du général Mordacq, son chef de cabinet, et du général Gamelin, commandant la 9ième division d’infanterie. Aux accents vibrants de la Marseillaise, M. Clémenceau s’avance devant le front des troupes et salue militairement le drapeau. Le président du Conseil remet quelques Croix de guerre et il invite le lieutenant-colonel Laucagne à continuer la cérémonie. M. Clémenceau s’entretient familièrement avec les militaires qui reçoivent la Croix de guerre des mains du chef de corps.
Enfin, après lecture, par le général Mordacq, des deux textes de citation à l’ordre de l’Armée mérités par le 82ième, M. Clémenceau attache la fourragère au drapeau du régiment. Un défilé a lieu à la suite duquel l’illustre chef d’Etat félicite le lieutenant-colonel pour la brillante tenue des troupes que le hasard seul lui a permis de trouver rassemblées pour une revue.
Vers la fin du mois d’août, le régiment se rapproche du front qui, en fin de poursuite, s’est stabilisé sur la Vesle. Après un séjour de quelques jours en réserve de division dans la région d’Aouchy-Vézilly, le régiment monte en première ligne dans le secteur de Courlandon (village des bords de la Vesle).
Le 14 septembre, le régiment attaque avec deux bataillons à droite (bois Vigneux), 44ième bataillon de tirailleurs sénégalais à gauche, en direction de la ferme des Huit-Voisins et de Romain. Cette action est liée à une attaque menée par la 45ième division à notre gauche. Notre action d’artillerie commence à 5 heures. L’ennemi riposte par un bombardement très violent par obus et mines, donnant l’impression d’une préparation d’attaque ou de coup de main. Vers 5 H 30, la 9ième compagnie (compagnie de droite du 82ième) est attaquée à trois reprises par les Allemands. Tous les engins de feux sont déclenchés, et grâce à la bravoure et la ténacité des gradés et hommes qui se trouvaient en ligne, l’attaque ennemie est brisée. On sut ensuite, par des prisonniers, que cette attaque avait été préparée la veille et devait comprendre des effectifs appartenant à cinq compagnie différentes.
A 8 heures 30 les unités, un moment déplacées par l’attaque allemande (renforcements nécessaires), avaient repris leurs emplacements pour l’attaque française prévue. Celle-ci fut déclenchée à 11 heures sous la protection d’un barrage roulant.
Pour le 3ième bataillon, la 10ième compagnie s’emparait, par une action rapide et brillante, de son objectif : la Croix-Bertrand, et le sous-lientenant Vallas, de cette compagnie, poussait une reconnaissance jusqu’aux abords de la ferme Huit-Voisins. La 9ième compagnie rencontrait plus de difficultés par suite de mitrailleuses non éteintes mais parvenait à s’établir sur son objectif (la Holte).
Le 44ième bataillon de tirailleurs sénégalais atteignait bravement la crête qui le séparait de la localité du Grand-Hameau ; mais, accueilli par des feux de mitrailleuses très nourris, il eut des pertes tellement grosses qu’il ne put résister aux contre-attaques ennemies et reperdit rapidement le terrain conquis. Il découvrait ainsi complètement le flanc du 3ième bataillon qui tenait toujours à La Croix-Bertrand. Bien que ce dernier eût été renforcé par la 2ième compagnie du régiment, celle-ci ne put intervenir en temps utile et, sous la concentration des efforts ennemis, les éléments du 3ième bataillon furent contraints de regagner leurs emplacements de départ dans la soirée.
Le 18 septembre au soir, les Allemands tentent un coup de main sur les postes de la route Courlandon-Huit-Voisins, mais sont repoussés.
Le 29 septembre au matin, un coup de main est exécuté par le lieutenant Féger (commandant la 6ième compagnie) sur la Croix-Bertrand, coup de main brillant qui ne nous coûte que 2 blessés rentrés dans nos lignes par leurs propres moyens et nous apporte 5 prisonniers allemands, dont un sous-officier de la Garde.
A partir du 30 septembre, le régiment va participer à la manœuvre offensive d’ensemble de la 5ième Armés (général Berthelot) pour rejeter l’ennemi au nord des groupes de la Vesle, opérations qui coïncident avec les offensives anglo-française du nord et celle franco-américaine de la région Champagne-Verdun. Le régiment, d’abord en réserve de division, passe par la Ville-aux-Bois, les Venteaux, la ferme de l’Orme, Bouvancourt, Chalons-le-Vergeur ; ensuite, dans la nuit du 3 au 4 , le 82ième se porte en première ligne le long du canal de la Marne à L’Aisne, avec le 3ième bataillon à droite, le 1er bataillon à gauche, le 2ième bataillon en réserve.
Le 5 octobre au matin, les reconnaissances envoyées par les bataillons signalent que l’ennemi se replie. Le contact est maintenu étroitement. Le 3ième bataillon atteint le mont Spin, où la 10ième compagnie fait 2 prisonniers ; à gauche le 1er bataillon progresse à même hauteur. Le 6 octobre au matin, les éléments avancés du 1er bataillon atteignent Aguilcourt, en liaison avec les éléments du 3ième bataillon à droite, et bordent la Suippe.
Après quelques jours de repos dans la région Bouvancourt-Châlons-Le Vergeur, le régiment, réserve de division, conforme son mouvement, à partir du 12 octobre, à la progression des deux autres régiments, (4ième et 329ième régiments d’infanterie) qui, de la tête de pont de Berry-au-Bac, marchent en direction de Juvincourt et dépassent Amifontaine. Le 13 octobre, le régiment est à Juvincourt et le 14 au soir, il devient avant-garde de la division ; il va livrer une série de combats dans le camp de Sissonne. Les deux bataillons de tête du régiment (2ième bataillon à droite, 3ième bataillon à gauche) passent la nuit du 14 au 15, avec leurs éléments avancés, sur la ligne cote 104-cote 107. Le 15 octobre vers une heure du matin, une section de reconnaissance de la 5ième compagnie prend pied sur le signal de la Selve ; à gauche, le 3ième bataillon est en entier dans le bois du camp de Sissonne et a pris comme objectif principal la cote 119 qui domine la route Sissonne-La Selve. Dans le courant de l’après-midi, le 3ième bataillon a atteint la lisière nord des bois du camp de Sissonne que le Boche tient fortement au moyen de nombreuses mitrailleuses ; d’autre part, le mont Simon-le-Grand, à notre gauche n’a pu encore être pris par la 6ième division, notre voisine, et les tirs de flanc qu’essuie le 3ième bataillon augmentent la difficulté de sa progression.
Vers la fin de l’après-midi, la 5ième compagnie tient la cote 107 et les abords du terrain d’aviation situé à l’ouest du village de la Selve. Le 16 octobre, les deux bataillons de ligne tentent de reprendre leur progression à la faveur d’une préparation d’artillerie de campagne sur la route Sissonne-La Selve ; mais cette préparation est insuffisante pour en neutraliser la défense. Le régiment ne peut déboucher et il reçoit l’ordre de s’organiser sur place. Pendant ce temps, le commandement monte une nouvelle attaque avec des moyens plus puissants, ayant comme objectif toujours la même route et le village de La Selve.
Cette attaque est déclenchée le 19 octobre à 10 heures, elle est exécutée par les trois bataillons du régiment, côte à côte, dans l’ordre de droite à gauche : 2ième bataillon, 1er bataillon, 3ième bataillon ; le 44ième bataillons de tirailleurs sénégalais, réduit à un très faible effectif, avait été amalgamé depuis plusieurs jours avec les autres bataillons. Les trois bataillons quittent simultanément leurs emplacements et, avec un entrain admirable, sautent sur leurs objectifs. Une demi-heure après, la route La Selve-Sissonne était en notre pouvoir et ses organisations défensives retournées contre l’ennemi ; le village de La Selve fut pris et occupé en fin de journée, grâce à une brillante action menée par les 5ième et 6ième compagnies. Les prisonniers faits à La Selve, ainsi qu’à la route, déclarent qu’ils avaient l’ordre de tenir coûte que coûte et, d’ailleurs, on en eut la preuve par les contre-attaques exécutées dans cette journée du 19 octobre. D’abord une contre-attaque sur le village de La Selve, puis une deuxième débouchant du bois des Vuide-Granges, déclenchée à la tombée de la nuit sur la 6ième division et le 3ième bataillon.
Les pertes subies par le régiment, dans cette journée, sont faibles eu égard au résultat obtenu ; cela tient à l’effet de surprise qui a été réalisé grâce à nos tirs d’artillerie bien réglés et surtout à l’allant magnifique des poilus du régiment qui sont arrivés sur le Boche derrière nos derniers obus.
Les prises méritent d’être mentionnées :
68 prisonniers appartenant au 91ième régiment d’infanterie et 12ième Bavarois ;
7 mitraillettes ;
5 mitrailleuses lourdes ;
Une grande quantité de munitions et de matériel divers.
Le 82ième reçoit les félicitations du général de division (général Gamelin) et du colonel commandant l’I.D 9 (colonel Sohier).
Le régiment est cité à l’ordre du corps d’armée par le général Pellé, commandant le 5ième corps d’armée, avec le motif suivant :
Après avoir fait preuve de sérieuses qualités de ténacité et d’endurance, au cours des opérations de juillet et de septembre 1918, le 82ième régiment d’infanterie, sous les ordres du lieutenant-colonel Laucagne, renforcé du 44ième bataillon de tirailleurs sénégalais, s’est distingué au cours des dernières actions offensives du mois d’octobre. Le 5 octobre, a enlevé d’un seul élan les hauteurs du mont Spin et de Sapigneul, quoique l’ennemi se soit maintenu longtemps sur son flanc gauche, sur les croupes de la cote 108 ; a progressé ensuite jusqu’à la Suippe, s’emparant du village d’Aguilcourt et des organisations défensives au sud de Condé. Du 15 au 19 octobre, a conquis les hauteurs boisées du signal de La Selve, puis a enlevé de haute lutte le village de La Selve et la route La Selve-Sissonne, faisant des prisonniers et prenant de nombreuses mitrailleuses.
Le 82ième est relevé le 21 sur les positions conquises et va passer quelques jours en réserve de corps d’armée dans la région d’Amifontaine.
Nous le trouverons ensuite en première ligne dans la région comprise entre Recouvrance et Saint-Fergeux, au sud du département des Ardennes. Il tient ce secteur avec le 3ième bataillon en première ligne pendant trois jours.
L’artillerie ennemie se montre active (projectiles de tous calibres et surtout obus toxiques). Le Boche est particulièrement prodigue dans la soirée du 4 novembre et la première moitié de la nuit qui suit . Cette activité est symptomatique, surtout quand on connaît la situation générale sur le front occidental ; le lendemain, l’ennemi va entreprendre un large repli sur le front de la 5ième armée. En effet, les armées alliées, exploitant le succès des grandes attaques qui, depuis la fin de septembre, ont fait brèche dans la fameuse position Hindenburg, ont pris l’offensive sur tout le front de la Meuse à l’Escaut et, élargissant encore le champ de bataille jusqu’à la mer, contraignent partout l’ennemi à la retraite.
C’est la défaite générale des Allemands.
Le 7 novembre, leurs parlementaires franchissent les lignes françaises ; le 8, ils se présentent devant le maréchal Foch et le 11 signent un armistice qui est une capitulation.
Voyons le rôle joué par le régiment sur son petit théâtre de guerre pendant ces belles et dernières journées :
Le 5 au matin, l’ennemi entame donc un repli pied à pied couvert par ses arrière-gardes, renforcées de mitrailleuses, repli continu : le Boche ne s’arrêtera plus maintenant sur des positions préparées à l’avance, ou bien on ne lui laissera plus le temps de s’y installer.
Le 3ième bataillon suit l’ennemi en gardant un contact étroit, il lui est donné comme objectifs successifs : la cote 150, le village de Chandion, cote 152, cote 129, Remaucourt, cote 186, cote 123. Malgré des résistances locales, ce bataillon progresse rapidement, suivi par les deux autres bataillons du régiment ; le 5 au soir, il a dépassé Chaudion. Le 6 à 13 H 30 ayant pris tous les objectifs indiqués précédemment (les villages de Chaudion et Remaucourt (Ardennes) sont très endommagés et inhabitables), il fait son entrée dans Adon (village intact), sur l’église duquel flotte le drapeau blanc et où 150 civils qui avaient souffert sous l’occupation pendant quatre ans, font un accueil enthousiaste et inoubliable aux poilus du régiment. Le 6 au soir, les éléments avancés du régiment tenaient la partie est du village de Givron (dont l’autre partie était tenue par le 4ième régiment d’infanterie) et les hauteurs au sud-est. A partir de ce moment, le régiment est dépassé et continue la progression en deuxième ligne de division ; il passe successivement par les village de Draize, Librecy, Neufmaison, Gardoncelle, Ham-les-Moines. Malgré la fatigue corporelle et l’inclémence du temps, les poilus oublient leur lassitude, soutenus par la joie de libérer à grands pas notre territoire. Le 11 novembre au matin, le régiment est toujours en deuxième ligne (derrière le 329ième régiment d’infanterie), en cantonnement d’alerte dans les trois localités de Cliron, Tourmes, Charroué, en lisière de la forêt des Ardennes, d’où partent encore quelques feux de mitrailleuses, derniers spasmes du Boche pris à la gorge et qui demande grâce par la voix de ses parlementaires. Ils ont accepté les conditions d’armistice que le maréchal Foch a su leur imposer par la plénitude de notre victoire.
Le 11 novembre à 11 heures, le commandement fait connaître aux troupes que les hostilités sont suspendues.
Le général Gamelin, commandant la 9ième division, publie dans l’après-midi la proclamation suivante :
A LA 9ième DIVISION
Officiers, Sous-officiers, Soldats,
Mes camarades de combat,
L’armistice est signé.
Les hostilités suspendues ce matin à partir de 11 heures. La victoire s’achève dans une gloire immortelle pour la France et ses Alliés.
Vous tous qui combattez depuis plus de quatre ans, soyez fiers de votre œuvre et vous plus particulièrement soldats de la 9ième division, qui, depuis le 17 juillet, avez sans fléchir un instant attaqué et poursuivi l’ennemi sur 125 kilomètres.
A l’heure du triomphe, songez à tous nos morts, tombés vaillamment pour la Patrie !!
CAMARADES DU 82ième
Saluons le glorieux drapeau du régiment !
La paix va nous permettre de revoir nos foyers et de reprendre nos occupations d’avant guerre !
N’oublions pas ceux dont le sacrifice a payé la Victoire et notre indépendance !
Conservons dans nos cœurs les sentiments d’affectueuse camaraderie qui ont été notre force et notre soutien aux heures difficiles.
Restons unis pendant la paix comme nous l’avons été pendant la guerre pour assurer la grandeur et la prospérité de la Patrie.
Si vous rechercher l'historique d'un régiment : http://jeanluc.dron.free.fr/th/historiques2.htm